Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats, le couple se met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame. A travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux de la nounou, c'est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l'amour et de l'éducation, des rapports de domination et d'argent, des préjugés de classe ou de culture. Le style sec et tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure dès les premières pages un suspense envoûtant.

Un coup de poing dans l'estomac dès le début de ce roman. Décontenancé par cette fin si vite énoncée, on continue la lecture de ce duo mère nourrice à la recherche d'indices. On est pris, happé dans l'engrenage, nounou bien trop parfaite pour que cette relation reste saine, révélations sur ses propres relations père fille. On perçoit au fil des pages une personnalité déséquilibrée et le livre reposé, on se satisfait de n'avoir jamais croisé pareille nurse.

L’histoire commence le vendredi, elle se termine le dimanche, jour du Seigneur, en pleine messe. Trois jours de huis clos, dans une église saccagée par la rage d’un homme. Trois jours à interroger la justice, l’humanité, la religion. Trois jours de tête à tête entre deux pères, à libérer vérité et lâcheté. Trois jours pour démêler le vrai du faux d’une enfance brisée, abusée, cambriolée au détour d’un feu de joie, lors d’un camp de vacances, en toute amitié. Un livre et une histoire pour répondre à cette question : un père est-il vraiment capable de protéger son enfant ?

Mon père est un roman sur la pédophilie, sujet difficile, sujet brûlant. Écrit au scalpel, chaque mot est juste, chaque parole frappe de plein fouet. Le livre questionne, la foi, l’église, la victime, le bourreau. Mon père, c’est un roman qui livre une expérience spirituelle intense, qui voile, qui dévoile, qui se lit seul avec soi-même, dans un silence… de cathédrale ! Grégoire Delacourt fait voile vers ces abysses rendus tabou, il va là où personne ne l’attendait et avec sa plume virtuose, il nous bouleverse du début à la fin. Mon père….merveilleux texte, mais redoutablement dérangeant !

«Je me souviens qu’elle fut la première personne vivante, intacte, que j’aie vue apparaître, la première qui m’ait fait sentir à quel point ceux qui approchaient de moi, désormais, venaient d’une autre planète – la planète où la vie continue.»

Le 7 janvier 2015, Philippe Lançon était dans les locaux de Charlie Hebdo. Les balles des tueurs l’ont gravement blessé. Sans chercher à expliquer l’attentat, il décrit une existence qui bascule et livre le récit bouleversant d’une reconstruction, lente et lumineuse.
En opposant à la barbarie son humanité humble, Le lambeau nous questionne sur l’irruption de la violence guerrière dans un pays qu’on croyait en paix.

Ce roman raconte le point de départ d'une reconstruction, celle de l'auteur lui-même, chroniqueur pour Charlie Hebdo, miraculeux rescapé d'un certain 7 janvier… une partie du visage dévastée par les balles de kalachnikov.
Rythmé  par des étapes chirurgicales, ce texte incroyable n'en révèle pas moins et surtout le bouleversant périple intérieur de son auteur.
Il y a tant à dire sur ce récit hors normes. Sur la délicatesse de l'hommage qu'il rend au personnel soignant. Sur cette lumière intime de l'art qui sauve, musique et littérature qui sans trêve soutiennent le fragile survivant sur son chemin de résilience. Sur l'intelligence, la douceur et la dignité de ses réflexions pourtant lucides ou de ses divagations sous antalgiques. Et sur les mots justes et puissants qui domptent l'enfer pour mener au mieux cette construction d'un ouvrage sur la reconstruction d'un visage.
Nous n’en dirons pas plus. Ceci est un grand, très grand récit.

1584, en Provence. L'abbaye de Notre-Dame du Loup est un havre de paix pour la petite communauté de bénédictines qui y mène une existence vouée à louer Dieu et soulager les douleurs de ses enfants. Ces religieuses doivent leur indépendance inhabituelle à la faveur d'un roi, et leur autonomie au don de leur doyenne, sœur Clémence, une herboriste dont certaines préparations de simples sont prisées jusqu'à la Cour.
Le nouvel évêque de Vence, Jean de Soline, compte s'accaparer cette manne financière. Il dépêche deux vicaires dévoués, dont le jeune et sensible Léon, pour inspecter l'abbaye. A charge pour eux d'y trouver matière à scandale, ou à défaut...d'en provoquer un. Mais l'évêque, vite dépassé par ses propres intrigues, va allumer un brasier dont il est loin d'imaginer l'ampleur. Il aurait dû savoir que, lorsqu'on lui entrouvre la porte, le diable se sent partout chez lui.
Evêque, abbesse, soigneuse, rebouteuse, seigneur ou souillon, chacun garde une petite part au Malin. Et personne, personne n'est jamais aussi simple qu'il y paraît.

 Les simples est  un  roman  qui oscille entre une description détaillée de la vie de ces femmes qui n'ont d'ailleurs pas toutes choisi d'entrer au couvent mais y ont été placées par leur famille, et les manigances des uns et des autres pour récupérer la gestion de l'abbaye en faisant le plus de coups bas possibles.
Nous suivrons ainsi le destin de plusieurs personnages : l'abbesse, l'herboriste, de simples servantes, des hommes d'Église, des nobles de la région, la sage-femme, un jeune vicaire…

Voilà un livre historique, de ceux qui, érudits, apprennent beaucoup, sans jamais lasser grâce à une tension perpétuelle et une belle verdeur de langage. Ainsi si la fin du XVIe siècle est le temps de la truculence des serviteurs de Dieu, elle est aussi celle de la lutte impitoyable entre clergé régulier et clergé séculier. Un jeu de pouvoir où les femmes, détentrices d'une médecine empirique destinée surtout aux plus pauvres, savent qu'exercer et transmettre leur savoir sera à l'avenir impossible. Une drôle d'époque qui croit aux miracles mais brûle des femmes craignant leur pouvoir sur les corps et les âmes. Un très beau roman, dans une langue simple mais juste.